Une dernière traversée.

30.000 pieds au dessus de l’Atlantique, 2h23 CET. Le vieux 747 de la compagnie Wamos qui nous ramène vers Hina aura décollé avec 8h de retard, après une attente un peu épique… Qu’importe: So et moi sommes en route pour retrouver Hina, et la longue houle des Caraïbes. 

Et puis, papa est du voyage…

3 semaines depuis qu’il nous a quittés. Le temps passe tellement vite. Quel chemin parcouru dans nos têtes aussi. Soulagement, mais surtout, surtout, tous ces incroyables souvenirs qui remontent à la surface. Papa, je te revois désormais tellement mieux! Tes expressions, ton rire, tes attitudes aussi…

Comme cette fois ou, alors que j’avais à peine 10 ans, je m’étais mis en tête de traverser la baie de Campo Moro en Corse à la rame. J’avais pris l’annexe du bateau, et j’étais parti. Je me rappelle tellement bien, à chaque coup de rame, je me disais « j’y suis presque! ». Et le soir tombait. Et l’autre coté de la baie semblait ne jamais se rapprocher. Et je continuais, en me disant « abandonner maintenant… ce serait juste trop con! »

Au bout d’une heure, je ne voyais plus vraiment notre bateau bien sûr. Trop loin. Plus assez de lumière.. Quant à la berge opposée, mon objectif… elle se transformait petit à petit en un immense relief un peu menacant, noir, indistinct. 

Je continuais à ramer. Je crois aussi que je commençais à avoir un peu peur de l’inévitable engueulade qui se profilait à l’horizon.. 😉 je me disais que si j’arrivais au moins à ramener une preuve de mon exploit, tu serais plus indulgent… 

Et je me souviens tellement parfaitement de ce moment où j’ai compris que je n’y arriverais juste pas. Qu’il était trop tard. Qu’il faisait trop noir. Que mes coups de rame étaient trop dérisoires par rapport à l’immense distance à parcourir.

Alors, j’ai fait demi tour, une sorte de honte  mêlée de rage dans le cœur. J’ai ramé dans la direction opposée. Plus ou moins. Tentant de revenir vers le bateau. Je me retournais tout le temps, espérant voir ta silhouette familière quelque part, prête à me passer un bon savon…

Et soudain je t’ai vu. Tu étais calme, assis sur le pont. Tu me regardais, une paire de jumelles rivée sur les yeux. Un peu éclairé par les lumières des bateaux à l’ancre autour du notre. J’ai encore ramé longtemps pour arriver au bateau. Et puis finalement, je suis arrivé. Il faisait noir. Tu as pris l’amarre de l’annexe. Je suis monté à bord, prêt pour la dérouillée du siècle. 

Et tu m’as juste regardé, dans les yeux. Tu m’as dit « ce n’est pas très malin ce que tu as fait la Pitchoun ». Et il y avait tellement tout dans ton regard, une sorte de peur mélangée à un peu de fierté peut être, un je ne sais quoi d’énervé… enfin bref, quelque chose qui a fait que je n’ai pas recommencé de sitôt 😜

Et aujourd’hui, tu nous accompagnes la ou une partie de ton cœur n’a jamais cessé d’être: les chaudes mers des Antilles, et ton bateau. 4000 km devant nous, Henri nous attend. Toujours la depuis notre enfance, et bien sûr la aujourd’hui. Il est arrivé sur Hina cet aprem, alors que nous tentions encore de savoir si notre avion finirait par décoller. 

Hina semble être en pleine forme, prête à partir. Petit avitaillement demain, et nous nous élançons pour la Guadeloupe!

2 commentaires sur “Une dernière traversée.

  1. Qu’est ce que vous vous ressembler. Cela ne m’a jamais frappé autant.
    Ravie de savoir que So et toi positiver votre deuil dans cette belle aventure. L’âme de ton Papa restera avec nous tant que nous serons sur cette terre. Bon vent à vous 3. Encore merci des magnifiques saga Hina. Bise

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